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Ouvrir les portes de l’Amérique à l’OMPI, ou donner un feu vert à des meurtres

Par Allan Gerson, Président de AG International Law, à Washington DC, représentant de l’OMPI

Huffingtonpost.com, 21 mars – Chaque guerre laisse dans son sillage des réfugiés et des personnes déplacées. Souvent, parmi elles beaucoup sont des réfugiés politiques fuyant des régimes politiques oppressifs et risquent la torture ou la mort si elles venaient à être rapatriées dans leur pays d’origine. L’Amérique ne peut pas tous les accueillir. Mais vis-à-vis de groupes particuliers, elle a des obligations particulières. Un de ces groupes est opposé au régime iranien, les Moudjahidines du peuple (OMPI). Aujourd’hui, 3.200 membres de l’Ompi restent isolés dans un camp qui a été décrit par le général James Jones, ancien conseiller à la sécurité nationale du Président Obama et Commandant suprême des forces alliées, comme pire que tout ce qui existe à Guantanamo. Tous les jours, ils font face à la perspective d’attaques meurtrières et à la menace d’un rapatriement forcé vers l’Iran et les bourreaux de Khamenei.

Pourquoi les États-Unis devraient-ils se soucier de ce groupe et insister pour ouvrir ses portes afin de leur offrir immédiatement un abri ?

Il y a plusieurs raisons, lesquelles ne concernent pas seulement des élans humanitaires, mais touchent aussi des obligations légales et morales ainsi que la promotion des intérêts américains de sécurité nationale.

Pour replacer le problème dans son contexte, en juin de l’année dernière, la Cour d’Appel des États-Unis du District de Columbia a statué qu’en l’absence de preuve claire d’activités terroristes, le Département d’Etat ne peut plus maintenir l’OMPI sur sa liste des organisations terroristes étrangères. Incapable de prouver le contraire, le Département d’Etat a fait ce que l’Union européenne et le Royaume-Uni avaient fait plus tôt : reconnaître que l’OMPI ne doit plus être entaché par cette désignation. Ainsi, le plus grand obstacle à l’apport de secours humanitaire et à la réinstallation de l’OMPI a été supprimé. Et, on a vu finalement le Département d’Etat mettre en œuvre ce que l’armée américaine avait promis aux membres de l’OMPI il y a neuf ans : c’est-à-dire, que s’ils déposent leurs armes, les États-Unis les considèreront comme des personnes protégées en vertu de la Quatrième Convention de Genève et assureront leur sécurité.

Cédant aux demandes du Département d’Etat, l’OMPI a quitté son lieu de résidence depuis près de 30 ans, le camp d’Achraf, une toute petite ville qu’ils ont construite, et ils ont été transférés au camp « Liberty », un repaire insalubre surpeuplé de baraques de fortune. Ils l’ont fait pour favoriser une réinstallation rapide, en espérant que fonctionnant en tandem avec les Nations Unies, ils seraient tous transférés en l’espace de deux ans.

Mais la «réinstallation» depuis le camp de «Liberty» s’est avéré un cruel canular. Transférés du camp d’Achraf, on a laissé les membres de l’OMPI se démener pour survivre dans ce qu’ils ont découvert comme étant un bouge, ironiquement appelé camp «Liberty». Les droits de l’homme fondamentaux, comme la liberté de circulation, des conditions d’hygiène minimales, l’accès aux avocats et aux visites familiales, ont été bafoués. En apparence, ils étaient là-bas pour que les fonctionnaires de l’ONU s’occupent d’eux, mais une année de ce « procédure » a fait sortir plus de corps du camp Liberty dans des sacs mortuaires – victimes des bombardements tolérés par les Irakiens, si ce n’est un soutien – que de vivants réinstallés pour commencer une nouvelle vie.

La vérité est apparue. Il n’y a pas de réinstallation en perspective pour les membres de l’OMPI. Les responsables de l’ONU et les responsables américains ont récemment dit aux habitants que la réinstallation prendrait trois à dix ans. Que ce soit par accident ou à dessein, le camp « Liberty » est une mascarade. Ceux qui ont accepté les assurances du département d’Etat sont exposés à la mort à tout moment par des forces comme le Hezbollah irakien opérant avec l’approbation tacite de l’Irak pour tuer et mutiler à volonté des centaines de civils innocents. C’est ce qui s’est passé le 9 février de cette année, lorsque de multiples roquettes ont été tirées sur les résidents sans défense, faisant sept morts et des dizaines de blessés graves. La raison semble claire : Les agents pour mettre en œuvre   la détermination de l’Iran à détruire l’OMPI abondent en Irak et fonctionnent avec l’approbation du gouvernement si ce n’est un soutien direct.

Avant la découverte de la tragédie des Juifs d’Europe, les États-Unis ont eu une occasion d’ouvrir leurs portes aux Juifs fuyant l’Allemagne nazie et l’Autriche. L’Amérique connaissait très bien l’effet d’un refus d’entrer. Une conférence – la Conférence d’Evian de 1938 – a été organisée par le Président Roosevelt pour s’occuper de la situation. Mais aucune porte n’a été ouverte.

Dans le reportage du New York Times sur cette conférence, son journaliste a écrit : « Il s’agit d’un test de civilisation. L’Amérique peut-elle vivre avec elle-même si elle permet à l’Allemagne de continuer cette politique d’extermination ? ».  Les États-Unis et l’Europe ont regardé dans la direction opposée, fermant l’entrée des États-Unis à un cas d’urgence humanitaire. En mai 1939, le paquebot transatlantique allemand, le St. Louis, s’est avancé dans le port de New York avec 938 juifs fuyant l’Allemagne pour sauver leurs vies. Une fois de plus, les Etats-Unis leur ont tourné le dos, forçant le bateau à repartir en Allemagne où un grand nombre de personnes à bord allaient périr, de manière prévisible, dans les camps de concentration nazis.

Aujourd’hui, le sinistre destin auquel font face les personnes qui se trouvent au Camp Liberty pose un cas de conscience similaire à l’Amérique. Les 3200 personnes du Camp Liberty sont là parce que les Etats-Unis leur ont donné l’assurance que ce camp servirait de point de transfert rapide pour une réinstallation. Ils sont là parce qu’ils ont fait confiance aux précédentes promesses du gouvernement des États-Unis selon lesquelles elles seraient traitées comme des personnes protégées.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Earl Grant Harrison, un jeune avocat distingué de Philadelphie, a été invité à présenter un rapport sur les camps des personnes déplacées en Europe hébergeant des survivants juifs de l’Holocauste. Il a constaté qu’ils vivaient dans « des conditions de surpeuplement, souvent insalubres et généralement sinistres (…) espérant quelques mots d’encouragement et d’action en leur nom ». Pour remédier à la situation, Harrison a sollicité des changements radicaux, finalement adoptés, pour permettre aux survivants juifs de venir aux États-Unis pour commencer une nouvelle vie.

Si Earl Grant Harrison était vivant aujourd’hui et voyait la situation du camp Liberty, il rédigerait sans aucun doute un rapport similaire. Il indiquerait au Président Obama, comme il l’a fait au Président Truman, que si les Etats-Unis n’agissent pas les premiers, aucun autre pays n’agira. Il indiquerait au Président Obama que son héritage, comme celui du Président Roosevelt dans le traitement des Juifs d’Europe, sera ternie par un manque de courage moral. Après tout, au-delà des préoccupations humanitaires pressantes, le fait est que l’OMPI résiste aux ennemis mortels de l’Amérique, les mollahs au pouvoir en Iran et prône une république démocratique pluraliste, non-nucléaire pour les remplacer. Harrison aurait réclamé à corps et à cris qu’un décret permette l’entrée immédiate de réfugiés de l’OMPI, ou de mener une action législative.

Tandis que les résidents du Camp Liberty attendent que la promesse de réinstallation soit tenue, ils ne doivent sûrement pas être obligés de passer une journée de plus dans le camp Liberty, non protégé des tirs de roquettes et des conditions de vie misérables. Le camp d’Achraf, 80 fois plus grand que le camp Liberty, possède des fortifications, des abris et des bâtiments en béton qui sont inexistants au camp Liberty. Ils devraient être autorisés à y retourner pour poursuivre la réinstallation, et ne pas rester dans ce bouge qu’est le camp Liberty.

Si l’Amérique n’agit pas aujourd’hui pour ouvrir ses portes aux résidents du Camp Liberty, ou du moins ne les autorise pas à se mettre en sécurité à Achraf, l’Amérique aura, aux yeux de ses ennemis, donné son feu vert à des meurtres. Nos ennemis verront que, malgré les mots durs de l’Amérique contre l’Iran, les Etats-Unis sont prêts à satisfaire l’Iran au détriment de ceux que nous avons promis de protéger. Assurément, ce n’est pas l’Amérique que nous connaissons et aimons.