jeudi, mars 23, 2023
AccueilActualitésActualités: AchrafLes obligations humanitaires américaines vis-à-vis des Iraniens opposés au régime en Irak

Les obligations humanitaires américaines vis-à-vis des Iraniens opposés au régime en Irak

Par Daniel Pipes

FrontPageMagazine.com, 16 juillet – Alors que le mandat de l'ONU qui légitime la présence des forces américaines en Irak expire le 31 décembre 2008, une catastrophe humanitaire et stratégique est en vue. Le sort d'environ 3500 opposants iraniens sera décidé au cours des négociations sur le statut des forces entre Washington et Bagdad.

 

Il s’agit des membres des Moudjahidin-e Khalq (MEK, qui est aussi appelé les Moudjahidine du peuple d'Iran, ou OMPI), le principal groupe d'opposition iranien. Basé au Camp Achraf dans le centre de l'Irak où ils sont reconnus à titre de "personnes protégées" en vertu de la quatrième Convention de Genève, ils sont depuis 2004 sous la protection de forces militaires américaines. Selon la Convention contre la torture de 1984, à laquelle le gouvernement des États-Unis est partie prenante, l'expiration du mandat de l'ONU ne met pas fin à l’obligation de à protéger les membres de l’OMPI en Irak.

De plus, le réseau de partisans de l’OMPI en Iran a fourni de précieux renseignements. Par exemple, l’OMPI a exposé les ambitions nucléaires de Téhéran et ses envois de bombes de bord de route en Irak. Reconnaissant cette assistance, un « Mémorandum» du lieutenant-colonel Julie S. Norman datée du 24 août 2006, note que « l’OMPI a toujours mis en garde contre l'ingérence du régime iranien et a joué un rôle positif en dénonçant les menaces et les dangers de ces interventions, leurs informations ont été très utiles à cet égard et, dans certains cas, ont permis de sauver la vie de soldats [américains]. »

Bien que le Département d'Etat liste encore l’OMPI comme une organisation terroriste étrangère (OTE), elle se terminera probablement fin octobre, car elle ne remplit plus les critères du terrorisme, après avoir renoncé au terrorisme, n’ayant pas mené d’opérations depuis de nombreuses années, n’ayant pas la capacité de mener de futures opérations et ne menaçant pas la sécurité des États-Unis. Le général Raymond Odierno, qui sera bientôt le haut commandant militaire américain en Irak, avait déjà en mai 2003 remis en question la désignation de l’OMPI comme une OTE: «Je dirais que toute organisation qui a remis son équipement à la coalition coopère clairement avec nous, et je crois que cela devrait conduire à un examen pour savoir s’il s’agit encore d’une organisation terroriste ou non. "

Depuis lors, un groupe inter-agence du gouvernement américain, dirigé par le FBI, a exonéré les Iraniens d’Achraf de terrorisme. Après qu’un tribunal britannique ait statué que le groupe n'était pas «impliqué dans le terrorisme", le gouvernement britannique en juin a supprimé le groupe de sa liste des organisations terroristes.

Naturellement, l'expulsion de l’OMPI de l'Irak figure au rang des premières demandes de Téhéran à Bagdad et à Washington. Le régime iranien est déterminé à détruire son principal adversaire et, avec un certain succès, a fait pression sur le gouvernement irakien pour démanteler le Camp Achraf et livrer ses membres à l'Iran. Les hommes politiques irakiens partisans de Téhéran se sont joints à cet appel, y compris les dirigeants de l'Alliance Unie irakienne et le Conseil suprême islamique irakien.

Puis, le 9 juillet, le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a déclaré que le gouvernement irakien avait décidé d'expulser les membres de l’OMPI. L'ambassadeur iranien en Irak, Hassan Kezemi-Qomi, a précisé que le gouvernement irakien avait décidé d'expulser rapidement l’OMPI d'Irak. La chaîne de télévision iranienne Jame's Jam a rapporté le 6 juillet 2008, que « les forces militaires américaines ont annoncé leur volonté de transférer » le Camp Achraf à Bagdad, qui a donné à l’OMPI six mois pour quitter son territoire.

Si ces informations s’avèrent vraies (et il convient de signaler qu’auparavant ces déclarations avaient peu d'effet opérationnel), soit cela implique de remettre les résidents non armés d’Achraf aux forces irakiennes ou leur expulsion vers l'Iran. Dans les deux cas, il semble que ce sera un vaste massacre, que ce soit par les agents de Téhéran en Irak ou par Téhéran-même. Inspiré par un tel succès, les ambitions de Téhéran en Irak prendront une nouvelle ampleur.

L'administration Bush a gardé le silence là-dessus, mais elle a le devoir et l'intérêt – sur la base de ses engagements humanitaires, de ses obligations découlant du droit international, et de son besoin d'alliés contre Téhéran – d'insister dans ses négociations sur le statut des forces avec Bagdad que les membres de l’OMPI au Camp Achraf restent sous la protection de l'armée américaine et qu'ils soient libres de quitter le Camp Achraf.

Après la radiation des Moudjahidine du peuple de la liste des OTE, Washington devrait utiliser la peur quasi-pathologique du régime de Téhéran en menaçant de les rencontrer et de les aider dans leurs efforts de relations publiques. C'est le moyen le plus facile et le plus efficace d'intimider la République islamique d'Iran.

——————
M. Pipes (www.DanielPipes.org)est directeur de Middle East Forum.