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Les Nations Unies, ultime espoir des opposants iraniens en Irak? (Le Courrier)

Achraf - 28 juillet 2009Par Benito Perez   

Le Courrier (Suisse), 19 septembre, Achraf – L'alliance de Bagdad et Téhéran fait craindre une nouvelle offensive contre les Moudjahidine du peuple. Le Conseil des droits de l'homme sollicité.

Près de deux mois sans s'alimenter. Plusieurs ONG et les dirigeants de l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI) se sont inquiétés cette semaine à Genève du sort de centaines de sympathisants de ce mouvement laïque d'opposition.

Depuis l'attaque les 28 et 29 juillet de leur citadelle d'Achraf, dans le nord de l'Irak, ils mènent une stricte grève de la faim pour exiger des garanties internationales quant à la sécurité de cette ancienne base militaire, sise à la frontière avec l'Iran. Confiée en 1984 aux résistants iraniens par l'ex-président irakien Saddam Hussein (alors en guerre contre son voisin perse), Achraf s'est mué en 2001 en camp de réfugiés, lorsque l'OMPI a formellement renoncé à la lutte armée. Avec la chute de Saddam puis le désengagement progressif des Etasuniens, les Moudjahidine craignent de faire les frais de l'alliance entre les islamistes chiites désormais au pouvoir dans les deux pays. Le 17 juin 2008, Bagdad décidait d'ailleurs formellement de leur expulsion, en contradiction avec les assurances offertes aux réfugiés par l'occupant US.

Depuis, les autorités irakiennes font monter la pression sur le camp. Encerclements, intimidations et actes de vandalisme se sont succédé. Jusqu'à la dernière provocation en date: l'irruption violente des forces irakiennes, officiellement pour installer un poste de police dans ce camp autogéré depuis plus de deux décennies. Onze Iraniens qui tentaient de s'opposer pacifiquement l'ont payé de leur vie, tandis que 36 personnes étaient arrêtées et 500 blessées sur les quelque 3500 habitants.

Mobilisation des ONG

«Que l'Irak veuille se rapprocher de l'Iran, soit… Mais cela ne peut se faire au prix du sacrifice des réfugiés», implore Danielle Mitterrand, venue cette semaine à Genève sensibiliser le Conseil des droits humains. La fondation de l'ex-première dame de France n'est pas seule à avoir pris fait et cause pour les habitants d'Achraf. Plusieurs ONG internationales rappellent que si ces exilés ne bénéficient pas du statut officiel de réfugiés en Irak, ils sont toutefois sous la «protection» du droit international. La Fédération internationale des ligues des droits humains (FIDH) invoque notamment la 4e Convention de Genève, qui interdit formellement de mettre quiconque en danger par le refoulement. Or, comme le constate Eric Sottas, aucun pays ne souhaitant accueillir les Moudjahidine, l'unique voie d'expulsion serait l'Iran. «Un pays qui pratique la torture et la peine de mort», rappelle le secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

L'analyse semble partagée par Navi Pillay. En octobre 2008, la haut commissaire aux droits humains écrivait au gouvernement d'Irak pour s'assurer que, dès le transfert du pouvoir par les USA le 1er janvier 2009, Bagdad n'autoriserait aucune «déportations, expulsions ou rapatriements forcés» et s'abstiendrait «de toute action qui mettrait en danger leur vie ou leur sécurité».

Pour l'OMPI, l'actuelle session du Conseil des droits de l'homme offre l'occasion de remettre la pression sur Navi Pillay. «L'attaque du camp a démontré qu'on ne peut rien attendre du régime irakien», affirme Afchine Alavi. Dès lors, selon ce représentant international des Moudjahidine, le «seul espoir de contrebalancer l'inaction des Etats-Unis et du CICR» passe par une intervention de l'ONU.

Mission d'observation

La revendication, portée mercredi au Palais des Nations par plusieurs ONG, s'articule autour de l'envoi d'une «mission permanente d'observation» dans le camp, histoire de dissuader un nouvel assaut et de relâcher la pression qui pèse sur les habitants. «Une partie d'Achraf est toujours occupée», rappelle Afchine Alavi, qui accuse les forces irakiennes d'exercer une sorte de «blocus» partiel, faisant régner l'incertitude quant au ravillement de la ville.

De manière symptomatique, l'initiative auprès du Conseil des droits de l'homme a beaucoup irrité l'ambassadeur… iranien, qui s'est permis d'interrompre une militante canadienne, avec la complicité du président du Conseil, Alex Van Meeuwen. «Il n'est pas fréquent qu'un gouvernement s'emporte devant des critiques adressées à son voisin… Cela montre bien qui commande!» insiste Afchine Alavi.

De son côté, Amnesty International s'émeut particulièrement du sort des trente-six habitants d'Achraf arrêtés lors de l'assaut des 28-29 juillet. En grève de la faim depuis lors, «ils auraient été battus et maltraités» par leurs geôliers. En principe, les détenus auraient dû être libérés, le 24 août, sur ordre judiciaire, aucune charge ne pesant sur eux. Une ordonnance confirmée jeudi dernier par un tribunal irakien mais que la police se refuse à appliquer… I