
Dans un contexte de forte augmentation des exécutions d’État en Iran et suite à une résolution historique de la Troisième Commission des Nations Unies, une conférence s’est tenue à Genève le 20 novembre 2025. Cet événement a réuni d’éminents parlementaires européens, d’anciens Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, des experts juridiques et des militants iraniens afin d’aborder la détérioration de la situation des droits de l’homme sous la dictature religieuse.
La conférence a permis de dénoncer la « machine à tuer » du Guide suprême Ali Khamenei et de plaider pour un changement radical de la politique internationale. Les intervenants ont rejeté à l’unanimité la politique de complaisance, appelant plutôt à une « troisième voie » : soutenir le désir du peuple iranien de changement de régime et reconnaître son mouvement de résistance organisé.
La réunion s’est largement concentrée sur les statistiques alarmantes concernant la peine capitale en Iran, l’héritage du massacre de prisonniers politiques de 1988 et la nécessité de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies du dossier du régime.
Maryam Radjavi : Le massacre est la guerre de Khamenei contre le peuple
Le discours principal a été prononcé par Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI). Mme Radjavi a présenté la vague de violence actuelle non pas comme une simple erreur judiciaire, mais comme une guerre stratégique menée par une dictature fragile contre sa propre population.
Conférence aux Pays-Bas à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
Renverser le régime clérical est une étape décisive dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes#VAW#WomenForce4Changehttps://t.co/gHRZSxvUx8 pic.twitter.com/ejT4icQcRE— Maryam Radjavi (@Maryam_Rajavi_F) 25 novembre 2025
Mme Radjavi a mis en lumière la sombre réalité qui règne dans les prisons iraniennes, décrivant un « bain de sang qui se déroule dans les prisons iraniennes ». Elle a présenté des statistiques alarmantes pour illustrer l’escalade de la violence : alors que 865 personnes ont été pendues il y a deux ans et mille l’année précédente, le régime a déjà exécuté 1 650 individus en 2025. Elle a souligné que des milliers d’autres attendent leur exécution, notamment des prisonniers politiques comme Zahra Tabari et Mohammad Javad Vafaei Sani.
S’adressant aux parlementaires du Grand Conseil de Genève et du Conseil national suisse, Mme Radjavi s’est félicitée de la récente résolution de la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, qui mentionnait notamment le massacre de 1988. Elle a établi un lien entre cette avancée diplomatique et le rapport de juillet 2024 de l’ancien rapporteur spécial des Nations Unies, Javaid Rehman, qui qualifiait les exécutions des années 1980 de génocide et de crimes contre l’humanité.
Mme Radjavi a établi un lien direct entre la répression intérieure et l’instabilité régionale. « Ce massacre en cours s’inscrit dans une stratégie unifiée, qui comprend également la guerre, l’exportation du terrorisme et le développement de l’armement nucléaire », a-t-elle déclaré. « Tant que ce régime pourra poursuivre les exécutions, il mènera une politique de déstabilisation de la région et du monde. »
Ses recommandations politiques étaient claires et urgentes. Elle a appelé les Nations Unies à libérer les mécanismes de défense des droits humains des « chaînes du commerce et de l’apaisement » et à saisir officiellement le Conseil de sécurité de l’ONU du dossier des droits humains du régime. De plus, elle a exigé que le régime soit contraint d’autoriser les représentants de l’ONU à accéder aux prisons iraniennes.
« Ce massacre est la guerre que Khamenei mène contre le peuple iranien et une épreuve pour la communauté internationale », a déclaré Mme Radjavi, concluant sur une vision de l’inévitabilité de la chute du régime : « De même que la tristement célèbre prison de Saydnaya, sous la dictature syrienne, s’est effondrée en décembre dernier, Evin et les autres prisons tristement célèbres de Khamenei s’effondreront également. »
Message de Maryam Radjavi à la Conférence de Genève : Demande d’enquête de l’ONU sur les prisons iraniennes – 20 novembre
Témoignage d’expert : Révélations sur les atrocités commises
Le professeur Javaid Rehman, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, dont le mandat s’est achevé en juillet 2024, a dressé un tableau alarmant de l’escalade de la violence d’État. Il a décrit le climat actuel comme la vague d’exécutions la plus intense depuis les massacres de 1988. « Rien qu’en 2025, plus de 1 500 personnes auraient déjà été exécutées, et au moins 17 détenus politiques sont menacés d’exécution imminente pour leur simple appartenance à l’opposition politique et démocratique », a indiqué M. Rehman.
Exclusive – On the sidelines of today’s conference in Geneva on human rights in Iran, Prof. Jeremy Sarkin, former UN Chair-Rapporteur, told Simay Azadi: “The 1988 massacre remains on the minds of many people. It’s time for the international community to step up its activities,… pic.twitter.com/VwjsfrpMPA
— SIMAY AZADI TV (@en_simayazadi) 20 novembre 2025
Il a détaillé des cas précis, soulignant que le 27 juillet 2025, les prisonniers politiques Mehdi Hasani et Behrouz Hassani ont été exécutés pour avoir soutenu l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI/MEK). Il a également alerté l’auditoire sur le danger imminent qui menace le champion de boxe Mohammed Javad Vafaei Sani.
Surtout, Rehman a mis en lumière les tentatives flagrantes du régime d’effacer l’histoire. Il a notamment souligné qu’en août 2025, le maire adjoint de Téhéran avait confirmé que la section 41 du cimetière Behesht-e Zahra, fosse commune des victimes du massacre de 1988, avait été transformée en parking. Les agissements du régime iranien sont « enracinés dans une culture d’impunité alimentée par l’inaction de la communauté internationale ».
« Le régime a instrumentalisé la peine de mort et les exécutions de masse comme instruments de répression et de terreur, éliminant tous ceux qui contestent cette brutalité », a déclaré M. Rehman. Il a exhorté à la mise en place d’un mécanisme international de responsabilité pour poursuivre ces « crimes atroces ».
Elle a notamment défendu la campagne « Non aux exécutions le mardi », actuellement active dans 54 prisons iraniennes, et a mis en lumière le sort de Zahra Tabari, prisonnière politique condamnée à mort pour avoir sympathisé avec l’OMPI. Elle a relayé les appels à la création d’une mission spéciale de l’ONU pour inspecter les prisons pour femmes, comme celle de Qarchak à Varamin.
Jérémy Sarkin, ancien président-rapporteur du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, s’est concentré sur la double problématique de la peine de mort et des disparitions forcées. Il a souligné que, tandis que la tendance mondiale s’oriente vers l’abolition – 130 pays soutenant un moratoire de l’ONU –, l’Iran fait figure d’exception, exécutant en 2024 et 2025 un nombre record de personnes.
M. Sarkin a défini la peine capitale dans le contexte iranien non pas comme une forme de justice pénale, mais comme « une forme de violence d’État » et une violation de la dignité humaine. Il a également développé le concept juridique de disparition forcée comme un « crime continu », c’est-à-dire un crime qui perdure tant que le sort ou le lieu où se trouve la victime reste inconnu.
Il a souligné que le Groupe de travail des Nations Unies a demandé à se rendre en Iran chaque année depuis 2004, mais que le régime n’a jamais accepté de date. Il a insisté sur le fait que les charniers datant de 1988 restent dissimulés, constituant un crime contre l’humanité toujours en cours.
Yesterday the UNGA Third Committee adopted a resolution on the human rights situation in Iran which, for the first time, references the #1988Massacre, the first official acknowledgement by the global community of those crimes against humanity.
It's time to end impunity in Iran. https://t.co/G0aHsZTORe pic.twitter.com/m4Q8oSWYYJ
— Justice for the Victims of 1988 Massacre in Iran (@jvmifoundation) 20 novembre 2025
Voix de la Résistance
Un segment crucial de la conférence a été consacré à des militants iraniens qui ont témoigné de la situation sur le terrain, exprimant la détermination de la rue iranienne et des Unités de Résistance.
Hossein Imani Nejad, ingénieur et militant, a déconstruit le discours du régime concernant la recrudescence des exécutions. Il a affirmé que les mollahs ne craignent ni la guerre ni l’apaisement ; « ce qu’ils redoutent réellement, c’est un soulèvement populaire soutenu par une résistance bien organisée ». Il a décrit les 1 500 exécutions prévues en 2025 comme la « principale » et la « dernière arme » du régime pour se maintenir au pouvoir.
Nejad a souligné que le régime qualifie les dissidents politiques de trafiquants de drogue ou d’espions afin de masquer la nature politique de la purge. Il a toutefois exprimé sa confiance en la génération actuelle, déclarant : « Le seul résultat acceptable pour cette génération est l’éradication de ce régime sous toutes ses formes.»
Neda Amani, présidente de l’Association des jeunes Iraniens en Suisse et modératrice de l’événement, a souligné la continuité du combat. S’exprimant au nom de la diaspora et des familles des victimes, elle a appuyé la demande du CNRI au Conseil de sécurité de l’ONU de se saisir du dossier iranien.
Simay Azadi’s exclusive interview with Swiss lawmaker @FehlmannRielle. "Switzerland should put pressure on the Iranian regime to stop executions." pic.twitter.com/lAvmfyNZrO
— SIMAY AZADI TV (@en_simayazadi) 22 novembre 2025
« Pour moi et pour les autres familles de victimes présentes aujourd’hui, cette demande est juste, nécessaire et il est grand temps », a déclaré Amani. Elle a directement lié la conférence du jour au « travail inlassable de la Résistance iranienne », qui documente les crimes depuis des décennies pour parvenir à cette reconnaissance internationale.
Un appel à la troisième voie
La conférence de Genève s’est conclue sur un consensus : la communauté internationale se trouve à la croisée des chemins. Les intervenants ont clairement démontré l’inefficacité de tout dialogue avec le régime clérical, présentant de telles tentatives comme un moyen d’alimenter la machine à exécuter et à semer la terreur.
Le thème récurrent de la « troisième voie » – une stratégie qui ne repose ni sur une intervention militaire étrangère ni sur des concessions aux mollahs, mais sur la résistance organisée du peuple iranien – a résonné tout au long des travaux. En soulignant le nombre effarant d’exécutions prévues pour 2025 et la continuité des atrocités commises de 1988 à nos jours, la conférence a démontré avec force que la seule voie vers la stabilité et le respect des droits humains en Iran réside dans l’instauration d’une république démocratique.
Alors que la résolution de la Troisième Commission de l’ONU marque un tournant dans la prise de conscience mondiale, la conférence de Genève a défini les prochaines étapes nécessaires : la saisine du Conseil de sécurité pour les violations des droits humains, l’activation de la compétence universelle à l’encontre des responsables du régime et un soutien indéfectible à la lutte du peuple iranien pour renverser la dictature.
En ouvrant la conférence, Jean-Charles Rielle, ancien président du Grand Conseil de Genève, a souligné l’importance symbolique de Genève, berceau du droit international humanitaire. Il a condamné les exécutions en Iran, non pas comme des actes judiciaires, mais comme des outils politiques destinés à terroriser la société. « Nous avons appris que récemment, des jeunes et des prisonniers politiques ont été exécutés uniquement pour avoir exercé leur droit de manifester ou d’exprimer leur opinion », a-t-il déclaré.
M. Rielle a appelé les parlementaires à passer à l’action. Il a exigé des condamnations officielles, une pression diplomatique et des sanctions ciblées. Il a également formulé une demande précise à l’intention du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme : exiger l’arrêt immédiat des exécutions et dépêcher une mission indépendante pour inspecter les prisons iraniennes, notamment celles abritant des femmes.
Exprimant sa solidarité avec la résistance, il a rendu hommage aux efforts inlassables de Mme Radjavi. « Madame Maryam Radjavi lutte sans relâche pour offrir une véritable alternative à un Iran démocratique respectueux de son peuple », a-t-il déclaré.
Alfred de Zayas, ancien expert indépendant des Nations Unies pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, s’est concentré sur les mécanismes dont dispose la communauté internationale pour surmonter l’impasse et obtenir justice. Il a proposé de recourir à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, soulignant que si le massacre de 1988 est antérieur au Statut de Rome, le caractère continu de ces crimes depuis 2002 permet de les poursuivre comme crimes contre l’humanité au titre de l’article 7.
A good day in Iranian history thanks to the tireless work of the Iranian Resistance. A big step forward in bringing those responsible for the 1988 massacre to justice. May the souls of the martyrs of 1988 rest in power ✊♥️#1988Massacre #StopExecutionsInIran https://t.co/53FB76xrpA
— Neda Amani (@NedaAmani_CH) 19 novembre 2025
M. de Zayas a également plaidé avec force en faveur du principe de compétence universelle, citant des précédents en Suède et en Allemagne. « Si l’un de ces tortionnaires est retrouvé dans un pays civilisé, nous pourrons l’arrêter et le traduire en justice », a-t-il affirmé. Il a exhorté la Rapporteuse spéciale actuelle, la professeure Mai Sato, à exiger un moratoire immédiat sur les exécutions et à transmettre une requête au procureur de la CPI.
Il a souligné que ce combat est aussi politique et qu’il est nécessaire de diffuser des informations pour contrer le discours du régime. « Il faut gagner la guerre de l’information », a conclu M. de Zayas.
Tahar Boumedra, ancien chef du Bureau des droits de l’homme de la MANUI et président du JVMI, s’est félicité de la victoire tactique remportée la veille à la Troisième Commission de l’ONU, où une résolution a été adoptée. Cette résolution exprimait, pour la première fois, une vive préoccupation quant à la situation en Iran et désignait les Gardiens de la révolution et le système judiciaire comme responsables.
« Cette résolution nous permet désormais d’entreprendre un travail d’identification des responsables des exactions », a expliqué M. Boumedra. Il a insisté sur le fait que la fatwa de 1988 émise par Khomeiny demeure valide et non abrogée, ce qui exige une vigilance constante.
Reconnaissant la paralysie du Conseil de sécurité due au droit de veto, Boumedra a réitéré son appel aux États à exercer leur compétence universelle. « Nous devons les identifier. Qui commet ces crimes ? Et les tenir responsables par des moyens que nous pourrons mettre en œuvre », a-t-il insisté.
L’ancien maire de Genève, Rémy Pagani, a établi un parallèle historique frappant entre le recours aux pendaisons par le régime iranien et les tactiques nazies, décrivant la peine de mort, dans ce contexte, comme une arme de répression de l’opposition. « La peine de mort en tant que telle ne résout rien, bien au contraire. Elle est inhumaine », a affirmé Pagani.
Il a souligné la lourde responsabilité qui incombe à la société civile de briser le silence qui entoure les prisonniers politiques. En écrivant des lettres et en prenant la parole, les citoyens peuvent priver le régime de l’anonymat qu’il exige pour ses victimes. « Il est de notre responsabilité, en tant que citoyens, de faire sortir de l’anonymat ces personnes emprisonnées, notamment en Iran », a-t-il déclaré.
Pagani a également évoqué les dangers géopolitiques liés au maintien du régime, mettant en garde contre le « néocolonialisme » et les visées expansionnistes au Moyen-Orient. Il a conclu en exprimant l’espoir que la dictature iranienne soit balayée, comme toutes celles qui l’ont précédée.
Laurence Fellman Rielle, députée suisse, a critiqué l’inefficacité de la « diplomatie en coulisses », souvent invoquée par le Conseil fédéral suisse pour justifier son approche vis-à-vis de l’Iran. Elle a affirmé que ces méthodes n’avaient pas permis d’endiguer la violence, citant l’exécution de 37 femmes et de plusieurs mineurs parmi les 1 650 personnes tuées au cours des neuf premiers mois de 2025.
Son discours a souligné le rôle central des femmes dans la résistance. « Le régime iranien craint le rôle moteur des femmes dans la Résistance », a-t-elle observé, notant que les femmes exigent non seulement la levée du voile obligatoire, mais aussi l’abolition de toute discrimination.

