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Iran : « Allah-o-Akbar » sacré et révolutionnaire / « Allah-o-Akbar » profane et anti-révolutionnaire

Le Dr. Mohammad Maleki a été le premier doyen de l'université de Téhéran après la révolution de 1979Par le Dr. Mohammad Maleki*

5 juillet 2009 – Il est 10 heures du soir. Comme chaque nuit, des cris de « Allah-o-Akbar » (« Dieu est grand ») sont entendus ici et là. Parfois, on entend parmi ces cris d’autres slogans comme « Mort au dictateur ». Dans les mois qui avaient précédé la révolution de 1979, « Dieu est grand » était devenu un slogan. A chaque fois que le peuple emportait des victoires dans son combat contre la tyrannie, il avait pris l’habitude de scander ce cri.

Ces slogans ont continué. Quelques mois avant la révolution, quand le chah a nommé le général Azhari premier ministre, l’état d’urgence a été décrété. La nuit, les gens sortaient sur leurs toits (à l’époque, il n’existait pas encore autant de gratte-ciel à Téhéran) et ils criaient « Allah-o-Akbar ». Le gouvernement d’Azhari avait été nommé pour réprimer le soulèvement et consolider la monarchie. Mais, il ne s'est pas rendu compte qu’après la première manifestation populaire en direction de la place du « 24 Esfand », organisée par les jeunes et les étudiants à l’occasion de la fête de la fin du Ramadan, (actuelle place Enghelab), la porcelaine fragile du régime monarchique avait pris un coup et qu’il n’était plus possible d’empêcher sa dislocation. Le chah n’a pas voulu se rendre à l’évidence. Il s’imaginait que le général Azhari, avec l’appui de l'armée, de la garde royale, de la SAVAK (police secrète) et des agents en civil équipés de matraques, il pouvait empêcher le désir de changement exprimé lors des manifestations populaires dans la journée et les cris de « Allah-o-Akbar » la nuit depuis les toits des maisons.

Un jour, lors d’une séance du parlement, un député a interrogé le Premier ministre sur ces cris de « Allah-o-Akbar ». Le général Azhari a piteusement répondu qu’il s’agissait de voix enregistrées sur cassettes et diffusées pendant la nuit par les hauts parleurs des mosquées. Pendant les jours qui ont suivi ces propos, lors des manifestations, les gens disaient : « ô, pitoyable Azhari, va encore dire que ces cris sont des cassettes ».

Les cris de « Allah-o-Akbar » étaient devenus les slogans nocturnes de la révolution antimonarchique du peuple. En entendant ces cris, les dirigeants de l’époque tremblaient et ne pouvaient plus dormir la nuit.
 
Après la victoire de la révolution, quand le nouveau régime voulait solliciter le soutien de la population, notamment lors de la libération de la ville de Khorramchahr (durant la guerre Iran-Irak) et lors des anniversaires de la révolution de 1979, le régime ordonnait au gens d’aller sur leurs terrasses à des heures précises pour crier « Allah-o-Akbar ». Le régime considérait qu’il s’agissait d’une action islamique et sacrée et encourageait cette pratique. Mais, trente ans plus tard, à l’annonce des résultats de la dixième présidentielle, les gens sont descendu dans la rue pour protester contre les résultats officiels. Lors des manifestations entièrement pacifiques, les gens ont demandé l’annulation de ce scrutin et la tenue d’élections libres, supervisées par l’ONU et d’autres instances internationales. Mais à ces actions civiles et citoyennes, le régime a répliqué par une répression féroce et brutale. C’est ce que font tous les tyrans lorsqu’ils sont confrontés à des protestations populaires. Un grand nombre de manifestants ont été tués. D’autres ont été blessés ou emprisonnés.

Face à cette répression violente, à l’instar des derniers mois qui ont précédé la Révolution de 1979, les gens sont de nouveau allés sur leurs toits et ont crié « Allah-o-Akbar ». Mais pour les dirigeants du régime, ces cris ne sont plus ni islamiques, ni sacrés, ni humains. Car, ils se permettent de donner des valeurs différentes aux mots, en fonction des circonstances. Dans le cas où citer le nom du Dieu sert leurs intérêts, il qualifie cette action d’islamique et sacrée. Mais, si ce sont les opposants au régime qui citent le nom de Dieu, cela devient une action profane et anti-révolutionnaire.

C’est ainsi que le régime ne peut même plus tolérer les cris de « Allah-o-Akbar » scandés depuis les toits. Si les agents de répression entendent ces cris depuis la terrasse d’un immeuble, ils lancent des assauts contre cet immeuble. Ils cassent les portes et les fenêtres. Ils cassent et brûlent les voitures aussi qui sont garées dans le parking de l’immeuble. Parfois, ils mettent une marque sur la porte de la maison où ils ont entendu ces cris, pour venir se venger plus tard contre le propriétaire. 

Le régime commet toutes ces exactions contre le peuple iranien, un peuple conscient et civilisé qui ne veut recourir à la violence qu’en cas de légitime défense. Les cris nocturnes de « Allah-o-Akbar » depuis les toits est une des manières les plus de pacifiques et civilisées de protester. Les dirigeants du régime en comprennent très bien la signification. C’est pourquoi ils ordonnent à leurs agents de lancer des assauts contre les domiciles de ceux qui participent à ce type d’actions.

Maintenant que le Conseil des gardiens (un organe non élu dont les membres sont désignés par le guide suprême) a validé les résultats des dernières élections, les cris de "Allah-o-Akbar" vont s’intensifier nuit après nuit. Ces cris vont être entendus non seulement à Téhéran, mais aussi dans toutes les villes et les villages du pays.

"Allah-o-Akbar", "Allah-o-Akbar", "Allah-o-Akbar"

*Le Dr. Mohammad Maleki a été le premier doyen de l'université de Téhéran après la Révolution de 1979