CNRI – « Il s’agit d’une grave question de droits de l’homme, il s’agit d’arrêter ce grand massacre à Achraf, nous avons l’obligation de le faire. L’Union Européenne a été fondée en réponse à un des plus grands massacres de l’Histoire, et maintenant, les États-Unis et l’Europe ont une obligation d’agir ensemble », a mis en avant le gouverneur Howard Dean à Bruxelles le 30 novembre.
L’ancien président du Parti démocrate américain (2005-2009) s’exprimait dans une conférence transatlantique, dont il était le modérateur, en défense d’Achraf et contre l’ultimatum du 31 décembre fixé par Bagdad pour fermer ce camp, en déplacer ses 3400 habitants avant de les vouer à un massacre en Iran où il veut les déporter, où dans des coins perdus d’Irak. la conférence accueillait notamment Maryam Radjavi, présidente élue de la Résistance iranienne, le général Hugh Shelton, chef de l’état-major des armées américaines (1997-2001), John Bruton, premier ministre irlandais (1994-1997) et ambassadeur de l’UE aux Etats-Unis (2004-2009), Alejo Vidal-Quadras, Vice-président du Parlement européen, Struan Stevenson, eurodéputé prédisent des relations du Parlement européen avec l’Irak, Gunther Verheugen, ancien vice-président allemand de la Commission européenne, Rita Sussmuth, ancienne présidente du Bundestag, Dirk Claes, sénateur belge et président du Comité belge parlementaire pour un Iran démocratique, et José Bové, eurodéputé français.
Voici les points forts de l’intervention de Howard Dean :
Je suis impliqué dans cette initiative depuis un peu moins d’un an maintenant, et j’agis beaucoup en ce sens en Europe et également parfois aux États-Unis. Et j’aime toujours à rappeler aux Européens que lorsque les Américains viennent en Europe, les Européens nous disent toujours que nous agissons sans réfléchir, ce qui bien sûr est la façon dont nous nous sommes d’abord rendus en Irak. Mais ensuite, j’aime toujours à rappeler aux Européens qu’ils réfléchissent sans jamais agir. Cela ne peut plus se produire désormais.
Il nous reste 31 jours avant que les 3400 personnes que le gouvernement américain avait promis de défendre ne perdent la vie à cause, non pas d’un mais de deux gouvernements tyranniques. J’ai été intéressé par la question dans El Pais, un journal quotidien espagnol, parce que le système judiciaire espagnol enquête à présent sur le premier ministre Maliki pour crimes de guerre.
Nous attendons donc tous de voir comment le président des États-Unis, dans moins de deux semaines, va recevoir quelqu’un qui est accusé de crime de guerre et qui fait l’objet de poursuites judiciaires. Comment nous en sommes arrivés là ? C’est une terrible honte morale ainsi qu’un échec moral de la part des États-Unis et de l’Union Européenne.
L’Union Européenne, à mon avis, s’est embarquée ces soixante dernières années, dans la plus importante expérience de démocratie dans les gouvernements depuis la création de mon propre pays il y a 235 ans. Vous êtes désormais le critère moral du monde. L’Europe a de meilleures lois financières que les États-Unis ou qui que ce soit d’autre, vous avez de meilleures lois de protection des consommateurs que n’importe qui d’autre, vous avez de meilleures lois de protection de l’environnement que n’importe qui d’autre, vous êtes la norme morale pour le monde, vous ne pouvez pas vous permettre d’agir ainsi.
Je concèderai que les États-Unis ont davantage de capacité dans cette affaire, que les États-Unis ont la plus grande part de responsabilité envers Maliki lui-même, si des torts sont causés à ceux qui sont à Achraf. Nous avons l’obligation et nous avons les moyens, alors même que nous avons encore des troupes sur le terrain en Irak pour empêcher cela de se produire.
Mais l’Europe doit ouvrir la voie moralement, comme vous l’avez fait quelques fois dans le domaine des droits de l’homme. La rencontre de demain des ministres des Affaires étrangères ne peut être qu’un autre exercice et débat. Il doit y avoir des actions réelles qui résultent de cette rencontre. Et vous, vous avez ce pouvoir, de ne pas seulement condamner et d’envoyer plus de lettres ; vous avez le pouvoir de faire comprendre clairement que vous chercherez à imposer, en tant qu’Union Européenne, des sanctions contre l’Irak pour toute violence qui peut advenir contre les résidents d’Achraf. Ce n’est pas assez d’imposer des sanctions contre les maîtres de l’Irak qui sont les mollahs en Iran ; nous devons imposer des sanctions contre l’Irak même. Et ne croyez pas qu’ils ne seront pas sensibles à ces sanctions, qu’ils ne sentiront pas les conséquences de ces sanctions. Ils peuvent avoir beaucoup de pétrole, mais ils n’ont que quatre heures d’électricité par jour. Nous nous devons de garder notre parole envers ceux à qui nous avons promis la protection.
Il s’agit d’une grave question de droits de l’homme, il s’agit d’arrêter ce grand massacre, nous avons l’obligation de le faire. L’Union Européenne a été fondée en réponse à un des plus grands massacres de l’Histoire, et maintenant, les États-Unis et l’Europe ont une obligation d’agir ensemble.
Deuxièmement, le président des États-Unis, comme vous vous rappelez peut-être, a reçu le Prix Nobel de la Paix il y a un peu plus de deux ans. Il a été lui-même très modeste en l’acceptant, il a dit un jour quelque chose comme « c’est un peu tôt, j’espère le mériter ». Eh bien, dans 31 jours, nous allons voir si le président des États-Unis a mérité son Prix Nobel de la Paix. Je n’ai jamais entendu parler d’un lauréat de Nobel qui se serait tenu à l’écart pendant un massacre.
Il s’agit d’une crise des droits de l’homme, il s’agit de savoir si l’Occident va autorise qu’un massacre de masse ait lieu sous nos yeux et tout le monde a l’obligation d’en parler.
Nous manquons de temps. Trente et un jours ne suffisent pas à transférer les résidents d’Achraf vers des pays tiers, et nous n’avons pas de pays tiers pour le moment. Nous avons besoin que les ministres des Affaires étrangères décident de cela demain.
Nous avons besoin que le Département d’État retire ces gens de la liste terroriste. Tout d’abord, il n’y a pas de base légale pour qu’ils soient sur la liste terroriste. Il est très clair que leur présence sur la liste est utilisée par l’Iran et par l’Irak pour trouver un prétexte à des massacres. C’est également très clair – et nous avons cette information de la part de l’UNHCR dans les lettres qu’ils ont envoyées aux responsables de l’administration Obama – que c’est la désignation abusive du Département d’État qui rend les choses plus difficiles pour réinstaller ces réfugiés. Il est temps pour le Département d’État de se dépêcher. Est-ce que le Département d’État va attendre et être complice d’un massacre de masse ? J’espère que non, par égard pour mon pays.
Lorsque le président rencontrera le premier ministre Maliki dans moins de deux semaines, il ne doit pas demander quelque chose au premier ministre Maliki ; il doit dire au premier ministre Maliki que le délai sera prolongé jusqu’à ce que le dernier résident d’Achraf soit sorti d’Irak en sécurité et qu’il n’y aura pas de massacre à Achraf. Et il doit dire au Département d’État que nous en avons assez de tout le bazar de ces personnes très brillantes et incroyablement mal-informées, qui s’occupées à défendre des erreurs commises il y a quinze ans – que nous en avons assez. Il est temps d’agir, il est temps de sauver des vies et l’heure tourne.