
L’Iran est confronté à une grave convergence de crises économiques, environnementales et sociales. De nouveaux rapports indiquent que le seuil de pauvreté a atteint le niveau sans précédent de 55 millions de tomans par mois, tandis que l’approvisionnement en eau de Téhéran est au bord de la rupture.
Ce désespoir grandissant a été tragiquement illustré par l’immolation publique d’un employé municipal et par les manifestations massives de boulangers protestant contre la flambée des prix.
Le seuil de pauvreté à 55 millions de tomans
Les analystes économiques et les rapports de terrain dressent un tableau sombre d’hyperinflation et d’effondrement du niveau de vie. Le seuil de pauvreté pour une famille de quatre personnes est désormais fixé à plus de 55 millions de tomans.
Ce chiffre contraste fortement avec le salaire national moyen, estimé à environ 17 millions de tomans, privant ainsi une grande partie de la population des moyens de subvenir à ses besoins essentiels.
Selon certaines sources, l’inflation alimentaire a atteint 100 % au cours de l’année écoulée, le prix des produits de base comme le pain et les céréales ayant doublé. Malgré les affirmations du gouvernement quant à la réduction de l’inflation, les critiques accusent le régime de « politiser » l’indice et de dissimuler la réalité de la baisse du pouvoir d’achat des ménages, qui contraint les familles à se passer de certains aliments comme la viande et les fruits.
Hamid Haj-Esmaeili, expert du marché du travail, a averti que le seuil de pauvreté de 55 millions de tomans pourrait encore augmenter d’ici la fin de l’année. Cette crise est aggravée par un déficit mensuel de 35 000 milliards de tomans dans la Caisse de sécurité sociale et par une économie informelle florissante qui représenterait désormais plus de 55 % du marché, érodant les droits des travailleurs et le contrôle de leur activité.
Pénurie d’eau critique à Téhéran et dans 46 autres villes
Parallèlement à une autre crise, tout aussi urgente, les autorités ont lancé un avertissement alarmant concernant l’approvisionnement en eau du pays. Le 16 novembre, Isa Bozorgzadeh, porte-parole du secteur de l’eau, a annoncé que les barrages de Téhéran ne contenaient suffisamment d’eau que jusqu’à la fin du mois d’Aban du calendrier persan (fin novembre).
La crise ne se limite pas à la capitale. Au total, 46 villes, dont d’importants centres urbains comme Mashhad, Tabriz et Ispahan, seraient confrontées à de graves pénuries d’eau.
La réaction du gouvernement a suscité de vives critiques. Selon un rapport du site web Eghtesad 120, proche du pouvoir, un expert affilié à l’État a fustigé les autorités pour leur manque de planification cohérente. Cet expert a notamment qualifié la suggestion du président d’« évacuer Téhéran » d’« étrange et incompréhensible », demandant : « Qu’est-ce que cela signifie ? Où allons-nous les emmener ? Dans le désert de Qom ? »
Grossissement du mécontentement social
La pression économique extrême a déclenché des actes de protestation désespérés. Dimanche 16 novembre, des informations circulant sur les réseaux sociaux ont indiqué que Fereydoon Rostami, employé municipal de longue date à Marivan, s’était immolé par le feu pour protester contre les « pressions et menaces des agents de sécurité ». Ses collègues auraient éteint les flammes, mais les forces de sécurité auraient bouclé le secteur pour empêcher la diffusion d’informations.
Parallèlement, la hausse du prix du pain a déclenché des manifestations de boulangers à Mashhad, Ahvaz, Téhéran et dans d’autres villes. Selon l’agence de presse ILNA, les boulangers protestent contre le non-versement par le gouvernement des subventions promises, alors même que le prix du pain a doublé au cours de l’année écoulée. L’agence prévient que les augmentations de prix officielles à Mashhad risquent de se généraliser à l’échelle nationale, portant un nouveau coup dur au budget des ménages.
Les analystes cités dans les rapports décrivent la situation comme un effondrement progressif dû à une mauvaise gestion systémique. Ils considèrent le seuil de pauvreté de 55 millions de tomans non pas comme une simple statistique, mais comme un symbole d’effondrement économique qui pousse la société iranienne vers une explosion sociale.

