Des rapports détaillés de Bloomberg et Reuters révèlent la profonde dépendance du régime iranien aux réseaux de contrebande de pétrole pour contrer les sanctions américaines, les opérations clandestines liées à la Chine et à l’Irak jouant un rôle central.
Le rapport de Bloomberg du 2 décembre a révélé une opération secrète de contrebande de pétrole entre l’Iran et la Chine, révélant comment Pékin a acquis du pétrole iranien à prix réduit grâce à des transferts de navire à navire malgré les sanctions officielles. Selon Bloomberg, ces transferts ont lieu « à 65 kilomètres de la côte est de la Malaisie » dans la mer de Chine orientale.
Le rapport note : « La Chine n’a officiellement pas importé une seule goutte de pétrole d’Iran depuis 2022 », pourtant le commerce souterrain continue de fournir environ 13 % des besoins pétroliers de la Chine. Les pétroliers iraniens effectueraient jusqu’à 12 transferts par jour dans la région, facilités par un réseau conçu pour masquer l’origine du pétrole.
Au cours des neuf premiers mois de 2024, l’Iran aurait exporté 350 millions de barils de pétrole brut vers la Chine par ce biais, ce qui lui aurait rapporté environ 20 milliards de dollars, même après avoir offert des rabais importants. Bloomberg a cité des analystes qui ont mis en garde contre une éventuelle escalade si Donald Trump revenait à la présidence des États-Unis, le rapport déclarant : « La survie du régime iranien est de plus en plus liée à ce commerce clandestin de pétrole en mer de Chine orientale. »
L’enquête a également utilisé des images satellite et des données de suivi pour analyser les schémas d’expédition et confirmer l’ampleur de l’activité. Bloomberg a suggéré que des sanctions secondaires contre les entreprises chinoises impliquées dans ces transactions pourraient avoir de graves répercussions à la fois sur la Chine et sur l’Iran.
Reuters : La contrebande de fioul profite à l’Iran et à ses mandataires via l’Irak
Le 3 décembre, Reuters a publié un rapport approfondi sur un réseau sophistiqué de contrebande de fioul opérant en Irak mais bénéficiant à Téhéran et à ses mandataires. Selon le rapport, l’opération exploite le système de carburant subventionné de l’Irak, détournant 500 000 à 750 000 tonnes de fioul lourd par mois vers le marché noir. Une partie de ce pétrole est mélangée à du carburant iranien et rebaptisée irakienne pour échapper aux sanctions, tandis que d’autres expéditions sont exportées à l’aide de faux documents.
Reuters a souligné le rôle des milices soutenues par l’Iran, en particulier Asaib Ahl al-Haq (AAH), dans le contrôle du réseau. Le rapport indique : « Au cœur de cette opération de contrebande se trouve le groupe chiite irakien Asaib Ahl al-Haq (AAH), une force paramilitaire et un parti politique soutenu par le Corps des gardiens de la révolution islamique iranienne. » Ces groupes profitent directement de ce trafic, qui génère entre 1 et 3 milliards de dollars par an, selon les estimations des sources du renseignement.
Le rapport met également en évidence les détails logistiques de l’opération, notamment la falsification de documents d’exportation et l’utilisation des ports du sud de l’Irak, comme Umm Qasr et Khor Al Zubair à Bassora. Le mélange de fioul iranien et irakien, souvent effectué lors de transferts de navire à navire, permet de vendre du pétrole iranien à des prix plus élevés sous couvert d’origine irakienne. Reuters a noté que la similitude entre les qualités de pétrole iranien et irakien rend difficile la détection de mélanges après coup.
Bloomberg et Reuters ont tous deux souligné les inquiétudes de Washington concernant l’évasion des sanctions par l’Iran. Bloomberg a suggéré que les États-Unis pourraient imposer des sanctions secondaires plus strictes ciblant les entreprises chinoises, tandis que Reuters a noté que la contrebande de fioul en Irak avait déjà été évoquée lors de discussions entre des responsables américains et le Premier ministre irakien Mohammed Shia al-Sudani lors de sa visite en septembre.
Reuters a écrit : « La contrebande lucrative et ses liens avec l’Iran et les individus sous sanctions américaines sont déjà sur le radar de Washington. »
En avril 2024, le Congrès américain a adopté la loi Mahsa Amini sur les droits de l’homme et la responsabilité en matière de sécurité (MAHSA), qui comprend la loi SHIP (Stop Harboring Iranian Petroleum), visant à combler les lacunes qui permettent au régime clérical de contourner les sanctions, en particulier dans le secteur pétrolier. La législation impose des sanctions aux entités étrangères impliquées dans le commerce illicite du pétrole iranien. Cependant, des rapports indiquent que l’administration n’a pas pleinement appliqué ces dispositions, ce qui permet à l’Iran de poursuivre ses opérations de contrebande de pétrole, soutenant ainsi son économie et finançant des activités par procuration et des actes de guerre dans tout le Moyen-Orient.