samedi, décembre 27, 2025
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La politique de crise en Iran

La politique de crise en Iran
Parlement iranien (Majlis) : slogans « Mort à l’Amérique »

Alors que l’Iran achève l’année 2025, le fil conducteur le plus clair du régime est que les responsables dictent la politique économique non pas en termes de protection sociale, mais en termes de prévention des troubles. Le langage des répercussions « sociales » et « sécuritaires » est devenu le raccourci du régime pour exprimer sa crainte des réactions populaires – un aveu implicite que la stabilité est menacée et que la rue est la véritable opposition.

Cette anxiété s’est manifestée ouvertement au Parlement. Le 24 décembre 2025, une lettre signée par 171 députés alertait sur le fait que le plafonnement de la croissance salariale à 20 % – alors que l’inflation est bien plus élevée – a poussé les ménages salariés au bord du gouffre et pourrait déclencher des crises sociales et sécuritaires. Il ne s’agit pas d’une accusation de l’opposition, mais d’un avertissement de sources internes indiquant que l’État est en train de créer de l’instabilité.

La crédibilité du budget s’effondre également au sein du système. Des rapports citant le Centre de recherche du Majlis ont évoqué un important déficit non financé en 2025 et le risque d’un déficit plus important si les dépenses ne sont pas maîtrisées – tandis que l’exécutif insiste sur le fait que le prochain budget peut atteindre les objectifs sans déficits déstabilisateurs. Des rapports de fin décembre 2025 ont également souligné que l’État s’appuie davantage sur la fiscalité et d’autres sources de revenus nationaux, ce qui indique que les citoyens sont traités comme des amortisseurs de chocs.

Subventions, carburant et économie à deux vitesses

La pression se reporte déjà sur les ménages par le biais du resserrement des aides sociales. Les médias d’État ont relayé les propos du ministre du Travail concernant la suppression des subventions pour des millions de personnes, selon des critères révisés. Cette approche, bien qu’elle puisse soulager les finances publiques, alimente le ressentiment, car elle est perçue comme opaque, arbitraire et punitive dans un contexte de forte inflation.

La politique des carburants révèle le même réflexe : tester la tolérance de la société, puis gérer les réactions négatives. Le 25 décembre, des médias iraniens ont rapporté le lancement à Téhéran d’essence « super » importée, distribuée de manière limitée, notamment par des camions-citernes mobiles, en dehors du système de subventions. Des rapports ont souligné que le prix final pour le consommateur n’avait pas été clairement annoncé lors du lancement et ont estimé qu’il pourrait dépasser 70 000 tomans le litre une fois les coûts et la TVA inclus, signe d’une évolution contrôlée vers une tarification de marché dans un secteur politiquement explosif.

Il ne s’agit pas simplement d’une question énergétique ; c’est une politique de stratification sociale. Un marché parallèle pour le carburant premium officialise de fait une économie à deux vitesses : une pénurie subventionnée pour la majorité et un accès fiable payant pour les plus aisés, tandis que l’État tente de se prémunir contre les conséquences politiques en présentant ce changement comme limité et « géré ».

 

Défaillances de l’État : eau, santé, médicaments

Le président du régime lui-même a décrit la gouvernance comme une machine qui aggrave les problèmes. Selon les médias d’État, Masoud Pezeshkian a déclaré au Parlement que la situation de l’eau en Iran est « critique », que la plupart des provinces sont confrontées à des pénuries et que les lois et interventions répétées n’ont pas permis d’inverser la tendance. Il a décrit des transferts d’eau d’urgence qui réduisent l’approvisionnement ailleurs, reconnaissant ainsi que l’État ne résout pas le problème de la pénurie mais le redistribue, créant de nouveaux perdants à chaque « solution ».

Les statistiques de santé publique publiées en Iran confirment le tableau de dommages évitables dans un État affaibli. Iran Online a rapporté des chiffres du ministère de la Santé faisant état d’environ 150 000 brûlures par an, de 25 000 à 28 000 hospitalisations et d’environ 3 000 décès, sans compter les graves risques professionnels.

L’approvisionnement en médicaments constitue un autre facteur de risque majeur, car il transforme un dysfonctionnement macroéconomique en crise personnelle immédiate. Le 26 décembre 2025, le député Mohammad Jamalian a averti dans l’agence ILNA que les pénuries de médicaments étaient « bien réelles » et que, si la Banque centrale ne fournissait pas de devises étrangères à temps, ces pénuries pourraient s’étendre à 400 ou 500 produits d’ici la fin de l’année. Il a imputé cette crise aux retards dans l’allocation des devises, à l’endettement important du secteur, aux perturbations des approvisionnements et à la vulnérabilité accrue des médicaments spécialisés et oncologiques – précisément les catégories qui, lorsqu’elles viennent à manquer, suscitent la peur, la colère et une forte instabilité politique.

Poursuite des luttes intestines

Au sein du régime, la crainte des réactions de l’opinion publique est de plus en plus présente. Le 24 décembre, le député Mohammad-Mehdi Shahriari a exhorté les plus hauts responsables de la sécurité à « écouter le peuple avant qu’il ne soit trop tard », établissant un lien entre l’inflation, les difficultés des retraités et les tensions agricoles et une potentielle déstabilisation. Ce discours est révélateur : même lorsque les initiés reconnaissent les souffrances, leur principale préoccupation est le risque qu’elles font peser sur le pouvoir clérical, et non l’obligation de protéger les citoyens.

En définitive, le bilan de fin d’année ne révèle pas une crise unique, mais une convergence : un budget qui, selon les initiés, pourrait engendrer des chocs sécuritaires ; un resserrement des aides sociales qui alimente le ressentiment ; une segmentation du marché des carburants qui institutionnalise les inégalités ; une crise de l’eau qui, d’après le président, s’aggrave ; des atteintes à la santé et à la sécurité à grande échelle ; et des pénuries de médicaments liées à la monnaie et à une mauvaise gestion. La stratégie de l’État clérical – extraire, rationner, nier et gérer les réactions négatives – maintient le système en place à court terme tout en augmentant la probabilité que les griefs accumulés dégénèrent en troubles que les propres responsables du régime ne cessent de dire craindre.