vendredi, mars 29, 2024
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Discours du commissaire européen Günter Verheugen sur le camp d’Achraf, le 13 avril à Paris

CNRI – Je suis heureux d’être invité et d’avoir la possibilité de vous soutenir dans votre lutte pour la liberté et la démocratie en Iran, et de vous rejoindre pour lancer un grand appel de réveil, un message fort et puissant aux dirigeants de l’Union Européenne et ses Etats membres, pour leur dire qu’ils ne sont plus autorisés à ignorer les réalités du Camp Achraf (…)

Au Camp d’Achraf règne une situation intolérable et inacceptable qui exige une action immédiate et décisive. Je voudrais la mettre dans le cadre plus large de changement profond et de démocratie dans votre pays, l’Iran. Certaines personnes peuvent se demander : Pourquoi cette personne est ici ou pourquoi je suis ici. Je suis ici parce que j’ai une histoire personnelle avec le changement de régime et avec la démocratie en Iran. Cela fait partie de ma biographie politique. Je faisais partie du mouvement étudiant dans mon propre pays, en Allemagne, qui a protesté contre le régime du chah à la fin des années 1960. Nous avons soutenu l’opposition en Iran dans la lutte contre un système non démocratique, et notre rêve était que la démocratie se réalise en Iran, ce qui ne s’est pas produit à l’époque. Encore pire malheureusement, ce rêve ne s’est pas réalisé non plus pour le peuple iranien quand enfin la révolution a eu lieu. L’aspiration des Iraniens n’était guère de se trouver avec une dictature de fanatiques religieux, de gens qui abusent du Coran par une interprétation qui n’est pas partagée par la grande majorité de la communauté musulmane dans le monde. Leur aspiration n’était pas de remplacer une dictature par une autre.

Et je connais ce pays, je sais que vous les gens de là-bas, vous méritez quelque chose de mieux que cette dictature. Vous méritez un pays où vous pourrez jouir de la liberté, des libertés que nous partageons comme des droits universels (…) L’Iran présente un énorme potentiel démocratique, et votre mouvement prouve aussi que la démocratie et l’islam vont bien ensemble. Votre peuple est instruit, et il a très souvent montré le courage de se battre pour ses droits. Et nous avons besoin de mettre en place une politique permettant au peuple d’Iran d’utiliser sa force, ses talents et ses capacités afin de rendre son pays un meilleur lieu de vie. Nous, les Européens, nous devons faire un choix clair.

Voulons-nous maintenir et établir le régime des mollahs ou devons-nous soutenir les forces démocratiques en Iran, ceux qui plaident pour un changement de régime et un changement des droits de l’homme ? Nous avons toujours ce problème de soi-disant « realpolitik ». Ma propre expérience montre que la realpolitik est très souvent une sorte de policier. Et l’expérience de ma vie est qu’un policier n’est jamais une bonne réponse lorsqu’on a à faire avec des dictateurs. Ces personnes doivent être confrontées à leurs actions chaque jour. Nous ne devons pas permettre à l’opinion publique mondiale de fermer les yeux sur tout ce qui se passe dans ce pays. Nous devons les rendre responsables. Nous devons les tenir pour responsables.
Je veux que cela soit très clair. Un Iran démocratique, et seulement un Iran démocratique, peut apporter la stabilité à long terme que nous voulons avoir dans cette région. Un Iran démocratique est notre meilleur espoir européen pour parvenir à la paix dans la région et pour se débarrasser du cauchemar d’une course aux armements nucléaires au Moyen-Orient. Nous attendons, cependant, quelque chose de vous. Nous attendons quelque chose de vous en tant que représentants d’un Iran démocratique.
 Nous attendons de vous de créer un pays qui respecte pleinement les droits de l’homme et la loi. Nous attendons de vous de créer un pays avec de bonnes relations avec tous ses voisins. Nous attendons de vous de créer un pays qui reconnaît le droit d’Israël de vivre dans ses frontières sûres, et nous comptons sur vous pour créer un pays qui sera respecté et accepté comme un membre responsable de la communauté internationale et nous sommes prêts à vous y aider.

Mesdames et Messieurs,
Ce n’est pas à nous, les Européens, de décider qui peut parler au nom du peuple d’Iran. C’est au peuple d’Iran d’en décider par des élections justes et démocratiques. Des élections équitables et démocratiques apporteront un changement de régime dans votre pays. Votre organisation a une plate-forme convaincante et clairement démocratique. Par conséquent, elle doit être reconnue comme la force de changement en Iran, une force qui peut agir de sorte que la démocratie et la liberté puissent s’installer en Iran.

Je rejoins mes amis américains pour appeler le gouvernement américain à vous retirer de la liste noire. Je n’ai jamais cru à une ratification de cette liste. Et j’aimerais partager avec vous une expérience. Quand j’étais un peu plus jeune, je luttais activement contre l’apartheid en Afrique du Sud, et j’ai été lourdement critiqué dans mon propre pays et dans d’autres pays comme un ami des terroristes ! Je me souviens très bien que Nelson Mandela, le héro du monde libre d’aujourd’hui, a été présenté comme un terroriste dans mon propre pays jusqu’à trois ans avant sa venue pour s’adresser au peuple allemand comme Président de sa nation. Ainsi, nous avons très souvent vu que les organisations qui luttent pour la liberté et la démocratie, sont à tort qualifiées de terroristes. Vous n’êtes pas des terroristes. Nos amis américains doivent tôt ou tard en prendre la mesure. Comme l’a dit le général, mieux vaut aujourd’hui.

L’Europe ne doit plus négliger la situation du camp d’Achraf. Nous avons vu la vidéo, et je pense que c’est une honte pour toute la communauté internationale que de permettre au gouvernement d’Irak de menacer les hommes, de les attaquer et de les tuer. Cet événement montre que des mesures immédiates sont nécessaires. Je demande aux dirigeants de l’Union Européenne et les 27 Etats membres de l’Union Européenne de considérer le camp d’Achraf comme une question politique de la plus haute priorité. Je propose une initiative diplomatique menée par le l’Union Européenne visant 3 objectifs. Premièrement, organiser une aide humanitaire immédiate, en particulier pour l’assistance médicale aux gens de la Cité d’Achraf. Deuxièmement, assurer une protection internationale qui ne puisse être violée par les forces de l’Irak. Et enfin, trouver une solution à long terme avec les gens du camp d’Achraf dans la perspective de leurs vies.

Mesdames et Messieurs, nous assistons à des révolutions inattendues dans le monde arabe. Permettez-moi de dire très clairement, et ce n’est pas d’ailleurs la première fois, qu’une politique de non-ingérence ne s’applique pas si une dictature se tourne contre son propre peuple et utilise la violence. La non-ingérence ne s’applique pas dans un tel cas. Nous devons alors agir. Nous ne connaissons pas encore le résultat de tout cela, mais ce que je comprends est que ces évolutions dans le monde arabe ne sont pas un simple appel à la démocratie, mais un cri clair pour la liberté. Et nous ne devrions pas continuer à soutenir les personnes atteignant aux libertés fondamentales et aux droits de l’homme en restant sans action. Nous devrions plutôt faire un choix éclairé avant que les gens meurent en masse. Un choix clair signifie choisir un côté, et pour moi il est clair de quel côté nous devons nous ranger, de votre côté.