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Iran : Pourquoi les chauffeurs de bus en grève à Téhéran sont les vrais défenseurs des musulmans

Iran : Pourquoi les chauffeurs de bus en grève à Téhéran sont les vrais défenseurs des musulmansThe Observer, 12 février – Par Nick Cohen – Ces trois dernières semaines, des manifestations ont eu lieu dans le monde entier sur le thème de la grande injustice commise contre les musulmans.  Après que des policiers armés de matraques aient infligé des blessures graves à des dizaines de manifestants, le spectre de la mort hante les esprits. Tandis que laïques et les intégristes révélaient l’incompatibilité de leurs valeurs réciproques, le Département d’Etat de Georges W. Bush mettait en garde contre « l’oppression systématique ». Puisque vous posez la question, je ne parle pas de la menace mondiale des caricaturistes danois qui ont autant terrorisé notre presse libre et téméraire, mais des vagues d’arrestations en Iran.

 

Les médias ont à peine mentionné l’événement, même s’il va à contre-courant de cette idée idiote d’un choc des civilisations entre « l’Occident » et « les musulmans ». Les musulmans de Téhéran s’avèrent  n’être qu’un bloc monolithique heureux de suivre les ordres des ayatollahs et de leur président dément, Mahmoud Ahmadinejad.

Pour commencer, il existe de profondes divisions sociales et, presque au plus bas de la pyramide sociale, se trouvent les conducteurs de bus de la ville. Les autorités ont refusé de leur accorder un syndicat indépendant et ont décidé de mettre en place un « conseil islamique » qui sera implanté dans les locaux de la Compagnie des Bus de Téhéran et de la Banlieue qui représenterait leurs intérêts. Comme l’on pouvait peut- être s’y attendre, les dévots ne se sont pas avérés être les plus vaillants défenseurs de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Les conducteurs de bus ont affirmé que les patrons volaient de l’argent de sur leurs payes. Ils ont formé leur propre syndicat et ont menacé de se mettre en grève à la fin du mois de janvier.

L’année dernière en Iran, Ahmadinejad a gagné une élection truquée avec la promesse de défendre les petites gens contre l’élite corrompue de la République islamique. Confronté à un choix entre tenir sa parole et poursuivre la politique despotique, il a montré sa véritable nature en autorisant la répressions la plus féroce qu’ait vécue Téhéran depuis 1999, quand les autorités religieuses avaient écrasé des manifestations de journalistes et d’étudiants dissidents.

La direction de la compagnie et le conseil islamique ont fait appel à la police paramilitaire qui a arrêté six responsables du syndicat et a tabassé les employés jusqu’à ce qu’ils renoncent à la grève. La majorité a bravement refusé. Les voyous à la solde de l’Etat s’en sont alors pris à leur femmes et à leurs enfants.
Mahdiye Salimi, 12 ans, est la fille d’un des dirigeants de la manifestation. Elle a déclaré à un journaliste qu’ils ont débarqué à l’aube chez eux pour y trouver son père. Quand sa femme a dit qu’elle ne savait pas où il était, la violence a éclaté. « Ils ont donné des coups de bottes sur le cœur de maman, et maman a eu très mal au coeur. Ils voulaient même verser quelque chose dans la bouche de ma sœur [de 2 ans] ».

Personne ne connaît le nombre exact de personnes arrêtées par les autorités. Le chiffre le plus important  communiqué au TUC [le Congrès des Syndicats britanniques] est de 1300 personnes. Les fédérations internationales de syndicats et l’ambassade britannique à Téhéran estiment qu’entre 400 et 600 personnes sont encore en prison.

Le responsable de la branche internationale du TUC, Owen Tudor, s’est rendu à l’ambassade d’Iran pour protester et a été frappé par la haine des syndicats qu’il y a rencontrée. Sans doute sans s’en rendre compte, les responsables iraniens ont répété mot pour mot le discours de Margaret Thatcher et lui ont dit que les syndicats étaient « les ennemis de l’intérieur ». De leur point de vue, vous pouvez voir pourquoi ils pensent comme cela. Les syndicats instillent des habitudes démocratiques et encouragent la solidarité sans considération de couleurs ni, plus important dans ce cas, de croyances. Il y a peu de chance que ces aspects admirables n’attirent jamais un fanatique moyen qui croit pouvoir lire dans l’esprit de Dieu.

Human Rights Watch, Amnesty International, le Département d’Etat américain, et le ministère des Affaires étrangères britannique, ont tous fait part de leurs protestations. Les syndicats, les Iraniens en exil et des mouvements gays ont manifesté. Pourtant les média l’ont à peine remarqué. Cet échec est en partie dû à l’incapacité éternelle de ma profession de faire deux choses en même temps : nous prenons les évènements les uns après les autres, et la une du jour c’est la colère des musulmans contre des caricaturistes.

Je ne dis pas que l’événement ne mérite pas un article, mais vous ne devriez pas oublier qu’il a été fomenté par des imams ultra-conservateurs danois qui ont porté pendant quatre mois ces dessins dans tout le monde musulman (et, d’une façon quelque peu blasphématoire, ont ajouté quelques dessins obscènes de leur cru). La droite religieuse et les membres du parti Baath syriens les ont accueilli à bras ouverts et ont prouvé une fois de plus qu’ils ont besoin d’inciter à de tels débordements pour donner une légitimité à leur pourvoir arbitraire.

L’Iran a connu tous les dangers car il endure un régime islamiste depuis plus longtemps qu’aucun autre pays. Heureusement, les vieux tours n’ont plus l’air de marcher. Un journaliste de  l’Associated Press a déclaré qu’environ 400 personnes avaient manifesté devant l’ambassade du Danemark à Téhéran la semaine dernière ; pour la plupart des fonctionnaires obéissant aux ordres, selon l’opposition iranienne.
Même si l’on prend les estimations les moins importantes, il y a autant de conducteurs de bus grévistes en prison que d’émeutiers prêts à jouer au jeu bien connu du jeter de cocktails Molotov sur les ambassades occidentales. L’optimisme sur la situation du Moyen-Orient n’a jamais enrichi qui que se soit, mais après près de trente années de règne des islamistes, les Iraniens semblent ne plus en pouvoir.

On ne répète pas assez qu’il ne s’agit pas d’un choc des civilisations mais d’une guerre civile au sein du monde islamique entre la réaction théocratique et les forces de la liberté et de la modernité assiégées. Comme j’ai essayé de le souligner, le meilleur service que la gauche libérale du monde riche puisse rendre est de se mettre enfin du bon côté.