Depuis que les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018, de nombreux décideurs politiques occidentaux se sont obstinément concentrés sur le rétablissement de l’accord et le retour à une situation dans laquelle de modestes restrictions au programme nucléaire iranien sont maintenues en échange d’un allégement des sanctions économiques contre Téhéran, mais cet objectif est devenu de plus en plus insaisissable alors que l’Iran poursuit ses violations croissantes de l’accord (JCPOA). Maintenant, après que le guide suprême du régime, Ali Khamenei, a choisi un nouveau président radical, les perspectives pour une restauration semblent encore plus lointaines.
Jusqu’à présent, cependant, cela ne semble pas avoir suscité de nouvelles considérations politiques de la part de l’Union européenne ou même des États-Unis, qui soutiennent tacitement les efforts européens pour restaurer le JCPOA depuis que le président Joe Biden est à la Maison Blanche. De nombreux commentateurs ont observé à juste titre qu’il sera encore plus difficile de négocier avec Téhéran avec Ebrahim Raïssi comme président, mais relativement peu de législateurs ou de commentateurs occidentaux ont reconnu que de telles négociations sont rendues encore plus indésirables par l’élection de vendredi dernier.
Cela ne veut pas dire que des négociations étaient en fait souhaitables au préalable. En fait, la « victoire » de Raïssi a simplement clarifié des caractéristiques préexistantes du système politique iranien qui auraient déjà dû saper toute confiance que les responsables occidentaux avaient dans la valeur de tendre la main aux « réformistes » comme Rohani. Notamment, les citoyens iraniens ordinaires et les militants politiques n’ont pas partagé cette confiance et c’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’UE et les États-Unis devraient considérer la prochaine transition présidentielle de l’Iran comme un tournant potentiel dans les relations avec le régime dans son ensemble.
Depuis la fin de 2017, il y a eu trois soulèvements nationaux en Iran et d’innombrables petites manifestations, tous exprimant un mépris égal pour les deux factions politiques dominantes. De nombreuses participants ont rejeté à la fois les «réformistes» et les «extrémistes» pour dire «la partie est terminé» et pour appeler au changement de régime comme seul moyen de vraiment résoudre la myriades des crises iraniennes. .
L’élection présidentielle de la semaine dernière a été précédée d’un processus de sélection qui a exclu toutes les personnalités de premier plan qui auraient pu constituer un défi sérieux pour Raïssi, qui a clairement été désigné comme le favori du guide suprême. Ce statut découle en grande partie de la réputation de Raïssi comme l’une des figures de proue du massacre de 30 000 prisonniers politiques qui a eu lieu sur plusieurs mois en 1988. L’incident visait la principale voix de l’alternative démocratique au système théocratique, à savoir l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK).
La préférence de Khamenei pour quelqu’un ayant de solides antécédents dans l’assassinat de militants pro-démocratie était garantie par les troubles des trois années précédentes. En décembre 2017 et janvier 2018, plus de 100 localités ont été le théâtre de manifestations simultanées mettant en scène le rejet public de l’ensemble du système politique et des appels à la démission ou à l’éviction de tous les principaux responsables. Au milieu de ce soulèvement national, Khamenei a failli admettre qu’en l’absence d’alternatives sérieuses au sein du courant politique dominant, le peuple iranien regardait en dehors du système au pouvoir et trouvait cette alternative dans l’OMPI. Le guide suprême a déclaré dans un discours que les militants de cette organisation avaient « prévu depuis des mois » de répendre des messages anti-gouvernementaux et de faciliter l’adhésion de la population au mouvement de contestation.
Vidéo : Ali Khamenei blâme l’OMPI pour les manifestations de novembre 2019 et ordonne la répression des manifestations
En novembre 2019, cela a pris de nouvelles dimensions avec le déclenchement soudain d’une autre manifestation à l’échelle nationale, celle-ci englobant près de 200 villes et villages, mais à ce moment-là, les principaux responsables du régime avaient déjà émis de nombreux avertissements sur l’influence croissante de l’OMPI et Khamenei avait déjà élevé Raïssi, « le bourreau de 1988 », au poste de chef de la magistrature.
À ce titre, Raïssi a supervisé des mois de torture systématique contre des militants pro-démocratie et des affiliés connus ou suspectés de l’OMPI. Cette répression a fait 1 500 morts en quelques jours seulement. La répression a servi à souligner l’engagement continu de Raïssi dans la répression violente de la dissidence.
Désormais, les décideurs politiques occidentaux doivent donner la priorité au bien-être du peuple iranien plutôt qu’à la sécurité des relations diplomatiques avec le régime en place.
Ne pas procéder à ce changement encouragerait sûrement le régime dans ses activités malveillantes affectant non seulement le peuple iranien et la situation intérieure du pays, mais aussi les affaires étrangères d’une importance vitale pour les puissances occidentales. Ces puissances doivent se rendre compte que la restauration du JCPOA n’est pas un objectif valable s’il conduit à plus d’escroquerie de la part du régime iranien. Et il n’y a tout simplement aucun moyen accessible de remettre l’Iran en conformité sans concédé quelque chose et laisser à Téhéran l’impression qu’il a vaincu ses ennemis.

Alejo Vidal-Quadras, professeur de physique atomique et nucléaire, a été vice-président du Parlement européen de 1999 à 2014. Il est président du Comité international en quête de justice (ISJ)