mardi, mai 13, 2025
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Les médias iraniens s’emploient à gérer les conséquences des négociations d’Oman

Les médias iraniens s'emploient à gérer les conséquences des négociations d'Oman

Alors que les négociations indirectes entre le régime iranien et les États-Unis reprenaient à Mascate, le paysage médiatique de la dictature cléricale s’est transformé en une cacophonie de discours, de contradictions et d’hystérie voilée. Derrière le langage de la fierté révolutionnaire et les slogans nationalistes se cache un régime profondément terrifié, divisé entre des factions qui craignent les conséquences d’un échec et celles qui craignent celles d’un succès.

D’un côté, les médias proches du Guide suprême du régime, Ali Khamenei, comme Kayhan et Farhikhtegan, ont multiplié les interventions pour réaffirmer leur domination idéologique. Leur crainte principale : que la simple apparence d’un compromis diplomatique ne provoque une érosion de la base loyaliste de Khamenei et n’enhardisse une population déjà désillusionnée.

Kayhan a averti que « lier l’économie à la diplomatie ne profite qu’à l’élite et manipule l’opinion publique », accusant les négociateurs d’entretenir de faux espoirs. Son message n’était pas seulement sceptique, mais une menace codée. Le journal, agissant comme mandataire de Khamenei, a rappelé aux responsables qu’« après chaque négociation, la situation empire », laissant entendre que les concessions faites à Mascate seront imputées non pas au Guide suprême, mais à ceux qui sont assis à la table des négociations. Le sous-entendu : en cas d’échec, quelqu’un sera sacrifié.

Pendant ce temps, les médias proches des soi-disant « réformistes » – tels que Ham-Mihan, Arman-e-Melli et Etemad – véhiculent une autre forme de peur : non pas des concessions, mais de l’effondrement. Ces médias, historiquement proches des factions qui croient en une diplomatie contrôlée pour préserver le régime, craignent qu’un échec à Mascate ne conduise à une nouvelle vague de protestations, voire pire.

Ham-Mihan a adopté un ton suppliant, mettant en garde contre une répétition du désastre du JCPOA. « Le système ne peut pas une fois de plus placer des attentes exorbitantes, pour ensuite reculer et blâmer l’Occident », a-t-il écrit. La crainte est palpable : une rupture des négociations prouverait qu’aucune solution n’est possible dans le cadre de la structure actuelle, renforçant ainsi la conviction de l’opinion publique que le régime est le problème.

Etemad s’est concentré sur la corruption interne, avertissant que le « noyau du régime » – un euphémisme pour désigner la base des partisans de Khamenei – est trop rigide pour accepter une quelconque issue concrète. Le journal a indirectement accusé cette clique de préférer l’effondrement au compromis, affirmant que leur pureté idéologique est devenue « une arme politique » susceptible d’être retournée contre le système lui-même. Le journal prévient que si ces extrémistes continuent de dominer le discours, le régime sera acculé à une position du tout ou rien, qui ne permettra ni de lever les sanctions ni d’apaiser une population agitée. La crainte implicite est que l’entourage du Guide suprême, tout en prétendant défendre la révolution, sabote en réalité la dernière chance d’éviter la désintégration nationale. Le journal conclut que si le régime ne peut même pas tolérer des gestes symboliques comme une poignée de main, il est alors totalement impréparé aux concessions que la réalité pourrait bientôt exiger.

Arman-e-Melli fait écho à un scepticisme prudent, avertissant que les négociations avec les États-Unis pourraient une fois de plus engendrer des attentes démesurées et, à terme, des déceptions. Dans un entretien approfondi avec le Dr Mohsen Jalilvand, expert en politique étrangère, le journal souligne que de réels progrès sont peu probables sans concessions significatives de l’Iran sur l’enrichissement de l’uranium.

Pendant ce temps, Farhikhtegan, proche d’Ali-Akbar Velayati, conseiller principal de Khamenei, affichait des signes de panique déguisés en pragmatisme. Il reprochait aux forces radicales de privilégier les apparences, comme des poignées de main, plutôt que la politique. « Si vous avez accepté la nécessité de négociations, pourquoi les saboter par des manœuvres théâtrales ? » s’interrogeait le journal. Mais sous cette façade rationnelle se cache une autre inquiétude : les luttes intestines elles-mêmes pourraient faire échouer les négociations. Leur crainte n’est pas idéologique, mais systémique : si cette guerre politique se poursuit sans contrôle, elle pourrait faire échouer le processus même censé sauver le régime de l’implosion.

Ce qui relie toutes ces voix, malgré leurs tons et leurs loyautés radicalement différents, c’est une peur commune de l’inconnu. Personne n’ose s’exprimer avec assurance sur l’issue de Mascate. Les factions extrémistes sont pétrifiées par un glissement idéologique et la perte de fidèles au régime, ce qui rendrait ce dernier sans défense face à une nouvelle révolte nationale. Les faux réformateurs sont hantés par la perspective d’un échec et de troubles de masse.

Ce que l’écosystème médiatique du régime a révélé aujourd’hui n’est pas un pays qui tient bon, mais un système chancelant sous le poids de ses propres mensonges. Un État qui a promis la résistance pendant des décennies se retrouve aujourd’hui à négocier avec le même ennemi qu’il appelle le Grand Satan, tandis que ses propres journaux débattent frénétiquement de la manière de présenter l’échec ou la reddition.

Dans un système qui considère les compromis comme un échec, les négociations d’Oman ne constituent pas seulement un risque diplomatique : elles constituent une menace existentielle.