vendredi, mars 29, 2024
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Assassinat de Kassem Radjavi: 15 ans d’impunité honteuse

Stephane RadjaviTribune de Geneve – Le premier jour du printemps, le juge d’instruction cantonal vaudois Jacques Antenen a lancé un mandat d’arrêt international contre l’instigateur présumé de l’assassinat de Kazem Radjavi, mon père. Dans le monde entier, les moniteurs de police afficheront bientôt le visage et le nom d’Ali Fallahian, ancien ministre des Services secrets de la République islamique d’Iran.

C’est l’honneur du magistrat lausannois d’avoir su réconcilier enfin la vérité «historique» – aucun service de renseignement ne doutait de l’implication des plus hauts dignitaires de l’Etat iranien dans le crime – et la vérité «judiciaire».

Désormais, la théo¬cratie du président Rafsandjani et de ses successeurs est comptable de sa barbarie devant les tribunaux suisses. Bien que tardif, ce mandat donne la pleine mesure de l’indépendance de l’instruction: aucune hiérarchie d’interposition n’a pu fausser la séparation des pouvoirs. Il fait écho au remarquable travail d’investigation de la police vaudoise.

Peu avant la mort de Khomeiny et sa fatwa létale contre Salman Rushdie, le régime islamique a ressuscité les hideuses méthodes de la Stasi est-allemande des années 50. Entre 1984 et 1994, Téhéran a exécuté plus de 250 de ses opposants politiques dans 21 pays. À Paris, Chapour Bakthiar, l’ancien premier ministre du Shah, a été atrocement égorgé. A Genève, l’honorable pilote Moradi-Talebi a été exécuté sous les yeux de sa femme enceinte. A Coppet, mon père a été mitraillé par un commando composé de treize membres des services secrets iraniens. Tous les tueurs portaient un passeport de service officiel délivré par le ministre Fallahian. Les justices françaises, allemandes, argentines et suisses ont mis à jour la machinerie du terrorisme d’Etat iranien, ses bases stratégiques en Europe, ses réseaux bancaires et ses couvertures diplomatiques.

Je n’ai guère de consolation à offrir à ma mère qui a embrassé le visage ensanglanté de son époux, déchiqueté par les balles des tueurs. Ni à mon petit frère et à ma petite sœur, dont la jeunesse s’est brutalement évanouie le 24 avril 1990. Pendant quinze ans, nous avons vécu à l’ombre du terrorisme iranien et de son impunité judiciaire honteuse. Je peux l’avouer simplement. Ces années d’attente étaient bien amères. Mais ce mandat nous paie largement des souffrances passées. Surtout, il constitue une flagrante victoire de la démocratie.

À l’heure où le président iranien Ahmadinejad qualifie l’Etat d’Israël de «tumeur» qu’il faut «rayer de la carte» et la Shoah de «mythe», souvenons-nous des leçons de l’Histoire, avant que l’arme nucléaire ne permette aux mollahs d’assouvir leurs fantasmes génocidaires.

À n’en pas douter, il existe une identité de nature entre le nazisme, le stalinisme et le radicalisme islamique iranien. Ces trois totalitarismes constituent une réaction violente contre l’avènement inéluctable d’un ordre mondial libéral et démocrate. Tous trois possèdent un projet brutal de domination des masses et des pratiques exterminatrices incompatibles avec l’idée universelle d’humanité élaborée depuis l’époque des Lumières.

Mon père repose dans la ville sainte de Kerbala. Je sais qu’il nous sourit. Justice est rendue.