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Comment l’Irak peut renforcer sa fragile démocratie (Washington Post)

Iyad AllawiPar Ayad Allawi *

The Washington Post, 10 juin – Des millions d'Irakiens ont risqué leur vie en mars pour exercer leur droit de vote fondamental et démocratique. Le taux de participation était élevé – plus de 60 % – dans régions, les ethnies et les confessions qui forment notre nation plurielle. Les Irakiens sont prêts à laisser derrière eux la violence et les conflits. Pourtant, trois mois plus tard, l'Irak n'a pas de gouvernement fonctionnel ou stable. Cette incertitude ne menace pas seulement la société et la démocratie irakienne, mais aussi la région.

Notre alliance politique, Irakiya, a remporté le plus de votes et de sièges au parlement en mars. Des Irakiens de tous bords et de tous milieux ont répondu à notre programme d’intégration démocratique de l’ensemble des groupes dans le processus politique, de réconciliation nationale fondée sur la laïcité, la loi et d'ordre et la prise de distance avec les divisions politiques, ethniques et confessionnelles, pour créer les conditions d’une nation stable et prospère, en harmonie avec ses voisins. C’est l'Irak que nous voulons construire.

Malheureusement, certains éléments en et hors d'Irak cherchent toujours à saper notre fragile démocratie. Ils ont recours à l'intimidation, aux arrestations, aux revendications sans fondement de fraude et à des demandes sans fin de recomptage. Malgré d’autres motifs discutables, nous avons accepté ces nouveaux décomptes. La Haute Commission électorale indépendante a confirmé les résultats de mars le mois dernier, et la Cour suprême d'Irak a ratifié les résultats. Irakiya a remporté 91 sièges au Parlement, mais ne peut gouverner seul, nous devons bâtir une société stable et une forte coalition qui comprend les Irakiens de tous les groupes afin de vraiment représenter notre nation.

Le gouvernement confessionnel actuel n’a pas réussi à assumer des fondamentaux comme une sécurité durable, l'amélioration des services de base et de meilleures perspectives d'emploi. Bien que la démocratie soit, à la base, le transfert pacifique du pouvoir politique, et malgré son échec à changer les résultats électoraux, le Premier ministre Nouri al-Maliki refuse de reconnaître sa défaite ou la volonté claire des Irakiens de changement et de progrès national.

En tant que vainqueur de l'élection, notre bloc politique doit bénéficier de la première opportunité pour former un gouvernement par le biais des alliances avec d'autres partis. Pourtant Maliki continue de chercher à s'approprier cette option pour son parti, défiant la convention constitutionnelle et la volonté du peuple. Parce que son bloc a terminé deuxième, notre coalition veut le rencontrer, sans conditions préalables, pour des entretiens en face-à-face. Nous sommes déterminés à bâtir un gouvernement fondé sur la compétence et le professionnalisme au lieu des identités ethniques ou confessionnelles. Malheureusement, M. Maliki a jusqu'à présent refusé de nous rencontrer.

Irakiya est également préoccupée par la menace posée par l'Iran, dont le gouvernement a invité les blocs perdants à Téhéran afin de négocier un accord pour former le prochain gouvernement irakien. Ce plan exclurait activement les chiites non-sectaires, les sunnites et les non-musulmans de toute représentation et pousserait de plus en plus l'Irak dans une sphère d'influence iranienne. En bref, ce serait garantir un retour à l'ancienne politique de confessionnalisme et de violence. L’ingérence d'une puissance étrangère de manière aussi opaque est inacceptable.

L'Irak doit avoir une chance de former un gouvernement stable et efficace pour servir son peuple et avoir de bonnes relations avec ses voisins – sans ingérence étrangère.

Nous recherchons un Irak fort et transparent avec des institutions démocratiques, une nation qui sera un véritable havre de laïcité et d’opportunités pour tous les Irakiens, et pas seulement une petite élite ; où la loi et l’ordre triompheront contre le pouvoir arbitraire et le chaos. J'invite tous les chefs des partis irakiens à travailler ensemble à l'intérêt commun. Les électeurs ont été clairs : Ils en ont assez des divisions ethniques et sectaires, et ils veulent l’arrêt de la violence et du sang.

En outre, nous espérons que les États-Unis et l'Organisation des Nations Unies aideront les blocs politiques de l'Irak à former un gouvernement dans l'intérêt national. J'espère sincèrement que les États-Unis resteront activement engagés en Irak, pour aider à protéger notre fragile démocratie de l'ingérence étrangère et des forces qui cherchent à saper la démocratie.

Washington a encore une influence inégalée en Irak, ainsi que la responsabilité morale vis-à-vis de la population irakienne qu’il a libérée de la tyrannie, de faire tout son possible pour apporter la paix et une stabilité durables. Le Vice-président Joe Biden a déclaré récemment que les Etats-Unis « vont être en mesure de tenir [leur] engagement » de réduire les troupes en Irak à hauteur de 50.000 hommes d'ici cet été. Bien que j'aie longtemps soutenu le retrait des troupes américaines, on ne peut laisser l'Irak revenir à l’instabilité des conflits sectaires, dominé par les influences régionales.

Un tel résultat serait un affront aux dizaines de milliers de civils irakiens qui ont perdu la vie dans des attentats terroristes et aux milliers de soldats américains qui ont sacrifié leur vie, cela mettrait également en péril toute priorité politique américaine et internationale dans la région – le retrait prévu des troupes, l’endiguement nucléaire, un approvisionnement énergétique stable, et même les chances de succès dans la question israélo-palestinienne.

L'Irak a une occasion sans précédent de créer une force victorieuse et démocratique de modération au cœur du Moyen-Orient. Nous devons récompenser la foi des Irakiens ordinaires qui se sont déplacés en masse parce qu'ils croyaient que le changement vient du vote et non de la violence. Les graines de la démocratie ont été semées, elles ont besoin d'être nourries. Ce n'est qu'en travaillant ensemble et avec le soutien international que les Irakiens peuvent jeter les bases de ce que nous croyons tous être une nation stable, prospère et démocratique.

* L'auteur est chef de file de la liste Irakiya, qui a qui a remporté les élections nationales irakiennes de mars. Il a été Premier ministre de 2004 à 2005.